ÉvénementGrand conseil DU VIN DE BORDEAUX

Bordeaux
Mercredi 09 Juillet 2025Un nouveau Président du CIVB
Bernard Farges (viticulteur) a été élu pour 3 ans à la Présidence de l'interprofession, le CIVB. Dans son discours d'intention, il a exposé une feuille de route coconstruite entre les familles de la viticulture et du négoce, qui se déploie autour de 4 axes : réduire le vignoble, innover, relancer la consommation (grâce notamment à l'inflexion des investissements de promotion vers la transformation en ventes et l'œnotourisme), et soutenir l'export. Il a également annoncé le souhait de mettre en place une co-présidence viticulture/négoce.
Le Discours de Bernard Fages, lors de l'Assemblée Générale du CIVB, le 7 juillet 2025
Monsieur le préfet de Gironde et de Nouvelle-Aquitaine, Mesdames et Messieurs
Monsieur le préfet, je vous remercie pour votre participation à notre AG et veux saluer votre engagement aux côtés de la filière depuis votre arrivée à Bordeaux. Votre disponibilité, votre écoute, votre soutien efficace pour porter nos dossiers ici et à Paris sont reconnus de tous.
Permettez-moi Monsieur le préfet, mesdames et messieurs, de m’adresser devant vous à Allan.
Cher Allan,
Au moment où tu cesses tes fonctions de Président du CIVB, je veux te dire combien le plaisir de travailler à tes côtés a été grand, ce plaisir a été quotidien et ce travail tellement facile et dans une totale confiance.
Allan, tu incarnes l’écoute, l’ouverture aux autres, la disponibilité, l’engagement, le courage, la fidélité…et l’élégance en toute circonstance.
Tu auras mis toutes ces qualités, toutes tes qualités au service de tous pendant chacun de tes mandats, ici au CIVB ou la Fédération du négoce.
De Bordeaux à Bourg, de Margaux à Hong Kong, de Québec à St Emilion, de Sauveterre à Listrac, devant le roi d’Angleterre ou devant un collègue dans une salle des fêtes un soir d’hiver, tu es la même personne, tu as la même écoute, le même respect pour chacun.
Cela a toujours été une leçon que de t’observer. Pour tout cela je te dis merci Allan, nous te disons tous ici MERCI !!!
Le moment est difficile pour tous. Les vents contraires s'additionnent et ceux qui se pensaient épargnés ne le sont plus dorénavant, ici à Bordeaux et partout ailleurs dans la viticulture française, voire mondiale.
Les tensions géopolitiques, la guerre commerciale entre l’Europe et la Chine, la guerre commerciale entre les Etats Unis et la Terre entière, créent un ralentissement important des marchés, dans un contexte de baisse de la consommation de boissons alcoolisées partout dans le monde.
Des liquidations, des redressements, un paysage viticole et des territoires qui changent très vite, des emplois perdus, des entreprises exsangues à la viticulture comme au négoce, un tissu économique qui se dégrade et des villages appauvris, tout cela nous l’avons devant nos yeux. Devant nous aussi, ce sont des restructurations, des abandons, d'autres arrachages à venir, temporaires ou définitifs parce que ce train est lancé.
Dans ce contexte, les deux fédérations ont travaillé à une feuille de route pour la prochaine mandature, portée par les deux familles, qui exprime et porte une volonté d'adaptation de nos actions et de nos travaux communs.
Premièrement, sur le volet économique. Nous bannissons les pratiques commerciales qui ne respectent pas la rentabilité des acteurs de la filière, nous travaillons à bâtir des outils qui garantissent des prix rémunérateurs pour les acteurs de la filière et pour tous les vins. Pour cela, nous participons activement aux évolutions des textes européens comme français dans le cadre de la loi Egalim.
L’économie française est encadrée : la loi interdit la revente à perte, d’ailleurs ce seuil de revente à perte est majoré de 10 %, c’est le SRP + 10% ; les salaires sont, à minima, ceux du SMIC et s’échelonnent au-dessus de ce seuil.
Chacun trouve cela normal et personne n’imagine le remettre en cause !
Alors, comment pouvons-nous, collectivement, dans la même économie, dans le même pays, accepter que des produits agricoles, des vins, soient, eux, vendus durablement, voire massivement, en dessous des coûts
de production ?
L'illustration cynique et honteuse, révélatrice de cela, c'est la prise de parole récente d'un acheteur de l'enseigne Aldi qui annonçait très tranquillement « qu'à 1,99€ un côtes-du-rhône ou un bordeaux, c'est encore rémunérateur, on respecte le viticulteur. »
Nous le savons, si la loi n'encadre pas cela, il y aura toujours parmi nous des acheteurs et des vendeurs pour tuer chaque jour un peu plus nos entreprises.
Pour accompagner et piloter plus précisément notre filière, nous souhaitons bâtir des indicateurs de coûts et de suivi de marché solides, notamment en mettant en place la collecte des prix de vente de nos vins sortie filières. D'autres régions l'ont fait depuis longtemps, nous sommes enfin alignés entre nous pour créer cet outil afin de connaître notre marché avec les deux yeux ouverts et pas un seul œil regardant exclusivement le prix du vrac.
Deuxièmement, sur le volet promotion.
Nous allons infléchir nos actions et investissements marketing vers davantage de transformation en ventes en France comme à l'étranger, en mettant en avant nos AOC, nos viticulteurs et négociants comme têtes de pont de nos actions collectives. Le rôle des ODG sera renforcé dans un cadre de réflexion interprofessionnel. L'œnotourisme sera soutenu pour profiter de l'image qu'il apporte à notre région, nos entreprises, nos vins.
Troisièmement, sur la technique. La mutualisation de nos moyens continuera avec les autres régions et avec l'État, nous accentuerons nos efforts sur le mildiou et les profils produit. Nos mutualisations renforcées depuis quelques années, comme le PNDV ou les nouveaux cépages, sont très efficaces, nous devons et nous pouvons encore aller plus loin.
Sur l'économie et les études ces mutualisations sont anciennes, elles seront renforcées et approfondies.
Seule la promotion et le marketing n’ont été que rarement mutualisés entre régions viticoles, voire jamais. L'économie, nous venons de le dire, est mutualisée depuis longtemps. Sur la technique, nous le faisons depuis quelques années. Et sur la promotion, rien. Les directeurs et directrices des services de marketing de toutes les régions ne se connaissaient pas jusqu'à il y a quelques mois. Le travail a été entamé et le constat de la perte d'image et de consommateurs n’est pas fait uniquement chez nous à Bordeaux.
Imaginer encore que nos concurrents seront toujours les Côtes du Rhône, les Bourgogne ou d’autres, c’est oublier bien vite qu’eux aussi ont besoin de conquérir de nouveaux consommateurs.
Nous devons investir en France, comme à l’étranger ensemble sur quelques actions.
Par ailleurs, nous aurons à faire des choix dans les semaines à venir sur les priorités que la filière viticole française voudra se donner au moment de défendre les futures enveloppes européennes dans le cadre de la future PAC.
Voulons-nous continuer comme depuis 15 ans à prioriser les installations de chais, les bâtiments, les chaines de mise en bouteilles, voulons continuer à prioriser les aides publiques vers la restructuration du vignoble, ou voulons-nous utiliser davantage ces aides pour soutenir nos marchés et vendre plus de vin ?
Nos discussions bordelaises montrent que nous pèserons dans les décisions parisiennes pour investir plus massivement sur la promotion et l’œnotourisme, mais ce sera une bataille difficile.
Sur le volet gouvernance, les deux fédérations souhaitent engager dès l’automne une modification des statuts du CIVB pour permettre la mise en place d’une co-présidence pour ce mandat, dès que nos statuts seront validés par l’Etat. Lors des prochains mandats, cette coprésidence pourrait être mise en œuvre si les familles le souhaitent.
Certains pourront appeler cela un gadget, d’autres trouveront cela moderne et décoiffant, c’est seulement le fruit d’une volonté forte du négoce, dans un contexte de crise, et cela découle de la feuille de route co-construite par les deux familles, viticulture et négoce.
Réduire le vignoble, innover, relancer la consommation, soutenir les exportations, sont les 4 axes du plan de filière viticole national.
A Bordeaux nous avons mis beaucoup de notre argent sur la table avec l’Etat pour arracher et nous avons été les premiers à l’assumer. L’innovation, elle, se traduit par de nouveaux produits, le Claret, les blancs du Médoc, le travail sur nos profils produits.
La relance, nous comptons y parvenir par l’inflexion de nos investissements vers la transformation en ventes, vers l’œnotourisme, par des actions de promotion avec d’autres régions.
Le soutien à l’exportation se matérialisera par le fléchage de davantage de fonds européens et l’utilisation de la bannière France. Réduire, innover, relancer, exporter. C’est le cap que nous nous fixons, ici à Bordeaux.
Le ciel ne s’éclaircit pas encore, nous le savons tous.
Nous assistons à une restructuration profonde et douloureuse de toute notre économie avec des drames familiaux et humains.
Ici, au CIVB et avec nos moyens en forte baisse, nous nous adaptons comme toutes les entreprises s’adaptent.
Les élus sont secoués, bien sûr, mais ils expriment des choix clairs et assumés, après avoir porté l’arrachage et la distillation, aujourd’hui le soutien aux actions sur le marché et les arbitrages des fonds européens vers la promotion.
Avec des viticulteurs et des négociants élus, que je sais engagés et présents dans nos instances, avec une équipe de permanents tout aussi engagés et pleinement conscients des difficultés de la filière, soyez en sûrs, nous porterons toutes ces orientations.
Je vous remercie.